lundi 10 mars 2008
La CNAM où comment dégrader une situation déjà mal en point
Par le manque de transparence et de communication, la Tunisie est en train de vivre ces jours une réforme qui devrait changer le quotidien du citoyen malheureusement sans que celui-ci n'en soit suffisamment informé. De plus, les professionnels concernés sont loin d'être satisfaits de cette réforme. De quoi s'agit???
Réponse en 4 lettres : la CNAM, Caisse Nationale d'Assurance Maladie. Il s'agit plus simplement d'une couverture maladie universelle et obligatoire.
A priori, c'est une bonne chose, ce serait un progrès social indéniable si le tunisien pouvait être soigné et pris en charge que ce soit dans le public ou le privé, pour que la santé ne soit pas un luxe quand on sait le coût de certains traitements et de certaines interventions chirurgicales, et les délais d'attente dans les hôpitaux publics. Sans parler des petits bobos quotidiens dont le coût cumulé représente un budget non négligeable.
Ceci dit, quand j'en ai entendu parler la première fois, je me suis demandé pourquoi est-ce que ce n'est pas la CNSS qui remplit ce rôle, après tout on est tous, salariés ou travailleurs libres, supposés verser une partie de nos revenus pour financer les retraites et la couverture santé. Pourquoi payer plus pour quelques chose qu'on était supposé déjà en train de payer?
J'ai pas eu de réponse à mes interrogations, mais soit, parlons de la CNAM!
J'en aurai pas une idée plus approfondi que vous si un jour un ami médecin n'a pas pris le temps de m'expliquer le pourquoi du comment de cette réforme. Il se trouve que c'est un vieux dossier qui a trainé au fond des tiroirs pendant des années. Et ce n'est pas vraiment par une volonté de modernisation et de progrès social que l'Etat tunisien est en train d'imposer (je vous dirais pourquoi plus tard) cette réforme. Il se trouve qu'il s'agit d'une réforme demandée par l'Union Européenne auprès de la Tunisie dans le cadre de la coopération commune. L'Europe n'a pas que demandé, elle a avancé de l'argent, des sommes importantes vous imaginez bien, à l'Etat tunisien pour que cette réforme se fasse. Et, par le grand des hasards, à chaque échéance de mise au point sur l'avancement de cette réforme, l'Europe constate qu'il n'y a pas grand chose de fait... et comme on approche à grand pas de l'échéance finale au delà de laquelle le fric donné devrait être rembourser si rien n'est fait, l'Etat tunisien presse les intervenants d'avancer.
Alors avançons! Pourquoi les professionnels ne veulent pas (ou ne voulaient pas, puisque la réforme est déjà entérinée)? La réponse encore en 4 lettres : FRIC. Mais l'argent on l'a, me diriez-vous, l'Europe n'a-t-elle financé la réforme. Oui, mais... là on sait plus où il est. En arabe et gentiment, on dira "d5al fil masrouf"... il s'est mélangé avec les autres dépenses et on sait plus où il est allé. Pas grave, faisons la réforme quand même... mais avec quel fric???
Solution prévisible, tout le monde met la main à la poche : l'employé et son patron pour lesquelles on a déjà institué une cotisation supplémentaire, et les professionnels de la santé qui devront se serrer la ceinture et se contenter de ce que la CNAM veut bien leur donner.
Tollé général, bien sûr! Car cela revient à transformer toutes les filières de santé en salariés de la CNAM. Elle peut décider de qui peut soigner qui, quels médicaments sont remboursables et lesquels ne le sont pas et combien telle intervention sera remboursée... ou pas. Bref, cela revient à concentrer tout le pouvoir de répartition du gâteau des dépenses de santé chez la CNAM. On parles de beaucoup d'argent et d'une activité qui a fait des fortunes colossales pour ceux qui s'y sont lancés.
Vous me direz, où est le problème?? Si les médecins et les cliniques privées veulent s'enrichir sur le dos des patients et que la CNAM est là pour limiter les abus, ce n'est pas vraiment une mauvaise nouvelle. Eh bien non, en Tunisie une bonne nouvelle cache souvent plusieurs mauvaises nouvelles.
Dans notre cas, il y a au moins deux effets indésirables. D'une part, vu que pour la CNAM, comme pour le reste de notre administration, rien ne garantit la transparence. On se retrouvera bientôt, si ce n'est déjà le cas, avec par exemple, des médicaments qui ne sont pas remboursés, non pas parce qu'ils ne sont pas efficaces ou trop chers, mais parce que le fabricant n'a pas arrosé là où il faut.
Et deuxième effet indésirable, encore plus grave, c'est que le plafonnement des soins résulte d'ores et déjà en véritables actes de négligence. J'ai personnellement assisté au cas d'une personne, qui après avoir subi une intervention chirurgicale dans le privé, des complications on provoqué des traitements coûteux qui ont fait exploser son plafond de couverture. Ses médecins traitants à la clinique, constatant que le monsieur commençait à leur coûter plus qu'il ne va rapporter ont tout simplement arrêter de le soigner, en attendant qu'il y passes pour recevoir leur chèque. Heureusement qu'il s'est trouvé quelqu'un ayant suffisamment de conscience humaine (on parles plus de conscience professionnelle) pour alerter la famille qu'il faut aller voir ailleurs et mettre la main à la poche pour espérer sauver le patient. Et de l'aveu de cette personne, des cas similaires commencent à se multiplier.
Bref, aujourd'hui les médecins libéraux ainsi que les pharmaciens sont en train de lancer une grève pour dénoncer les dérives qui sont déjà en train de s'installer. En attendant, je ne vous souhaite pas de tomber malade, ni vous ni quelqu'un de votre famille.
ps: J'ai évité le jargon administratif que vous trouverez dans les articles à ce sujet pour que ça reste compréhensible pour le grand nombre. Alors je m'excuse d'avance si le sujet est écorché ou si certaines informations ne sont pas à 100% précises.
plus d'information sur le sujet sur le site du Syndicat des Médecins Spécialistes Libéraux: http://www.stml-tunisie.org/
Article rédigé par Ghoul
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